Toute l'information des acteurs de l'efficacité énergétique
Magazine CFP
Magazine L'installateur

Olivier Sidler : « Intégrer la rénovation dans un plan de relance post-coronavirus »

19 MARS 2020 - CFP

Au sortir d’un entretien avec le cabinet d’Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, qui portait notamment sur le plan de rénovation énergétique, Olivier Sidler, porte-parole de l’association Négawatt, nous livre ses réflexions sur cette thématique ainsi que sur la crise actuelle du coronavirus.

olivier sidler

CFP : Quel est votre sentiment à la suite de cet entretien ?
Olivier Sidler :
Je suis très mitigé et n’arrive pas à savoir quels sont les objectifs poursuivis par les pouvoirs publics avec le grand chambardement qui est en train de s’opérer (lire ici) : passer l’étiquette énergie des bâtiments (DPE) en énergie finale, ce qui revient à ne pas prendre en compte les pertes de transformation associées à la production d’électricité dans les centrales thermiques, qu’elles soient fossiles ou nucléaires ; abaisser les exigences du label BBC Rénovation… Avec la nouvelle étiquette, les exigences baissent pour les seuls logements chauffés à l’électricité, leur permettant de limiter fortement les travaux de rénovation. En outre, il sera toujours plus intéressant de rénover un logement en le passant à l’électricité tout en l’isolant moins. Et cela ne va pas du tout dans le bon sens. C’est oublier toute l’efficacité énergétique de l’enveloppe. Nous sommes encore dans l’incompréhension. Notre sentiment est que l’on pourrait déployer une politique de la rénovation sans être obligés de transformer l’ensemble du dispositif DPE, à la fois l’étiquette et la référence à l’énergie finale plutôt qu’à l’énergie primaire, ce qui est déjà, rappelons-le, une entorse à l’application des directives européennes.

CFP : Comment pensez-vous que cette politique pourrait être menée ?
O. S. :
Il serait pertinent de réunir toute la filière autour d’un grand projet stratégique qui, dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique, ferait partie d’un plan de relance dans lequel la rénovation serait au cœur du sujet. Dans ce cadre, l’électricité aurait sa part. Car non, nous n’avons pas l’électricité honteuse dans le bâtiment ! Simplement, nous ajoutons un critère supplémentaire : nous la voulons intelligente. L’idée serait de développer un partenariat très fort entre l’Etat et la filière des pompes à chaleur afin de trouver des solutions énergétiques adaptées. Il faut réaliser que nous allons de plus en plus vers de très basses puissances et de très basses consommations. Il est donc difficile d’imaginer des solutions qui soient trop complexes et trop coûteuses. D’autant qu’au regard des projections démographiques à 2035 en France, le nombre de logements neufs devrait passer à 120 000, contre 320 000 actuellement. Tous les professionnels qui travaillent dans la construction neuve seront bien contraints de faire autre chose et la rénovation est un gisement colossal d’activité. Nous avons donc certainement là l’occasion d’un grand projet qui fédèrerait le monde du bâtiment plutôt que de le diviser, ce dont il n’a absolument pas besoin, et qui nous amènerait dans la bonne direction. Rappelons que la PPE prévoit de rénover en moyenne 370 000 logements au niveau BBC sur la période 2015-2030. Nous en avons rénové 150 000 les cinq premières années, il en reste donc 540 000 par an à partir de cette année. Je doute fort que nous puissions y parvenir si nous poursuivons dans la même direction.

CFP : Proposez-vous une obligation de rénovation ?
O. S. :
C’est peut-être l’un des enseignements de la crise actuelle. Lorsque je dis en effet qu’il faudrait rendre la rénovation obligatoire, on me répond que c’est impossible, que les Français n’accepteront jamais. On nous tient le même discours sur le réchauffement climatique, la biodiversité… Or, avec la crise du coronavirus, nous voyons bien que des choses sont possibles avec un peu de fermeté. La simple incitation ne fonctionne pas et ce ne sont pas des dispositifs comme « MaPrimeRénov’ » ou le coup de pouce chauffage qui vont permettre de massifier la rénovation.

CFP : D’une façon plus générale, comment voyez-vous cette crise actuelle ?
O. S. :
Quand on parle de « croissance verte », cela sonne comme une hypocrisie. Car nous savons bien – et nous le voyons d’autant mieux avec cette crise – qu’il va nous falloir travailler autrement. Non plus dans une production croissante, continue et permanente, basée sur l’obsolescence programmée, mais inscrire nos activités dans une réduction des volumes produits et dans une économie circulaire, avec de la récupération de matériaux, une durée de vie accrue, une refonte des process vers une économie de matière et d’énergie axée sur la limitation des émissions de GES … Ce qui est intéressant avec cette crise, c’est de voir les dirigeants politiques, dont le président de la République, remettre en cause la mondialisation telle qu’elle est aujourd’hui. Rappelons que la PPE et la Stratégie nationale bas carbone sont construites sur des bilans carbone qui ne prennent pas en compte les importations. En intégrant ce facteur, le bilan carbone par Français passe de 6,6 à 11 tonnes de CO2. Autrement dit, tout ce qu’on fait aujourd’hui à travers la SNBC correspond environ à la moitié de ce qui devrait être fait. Le problème de la relocalisation de la production industrielle actuellement en Asie est clairement à l’ordre du jour. Une fois que la crise sanitaire sera maîtrisée, nous pourrons peut-être commencer à envisager de rapatrier nos productions en France ou en Europe, ce qui nous permettrait de réduire notre taux de chômage et de mieux maîtriser la production et les émissions associées.

Retrouvez l’interview complète dans la prochaine édition de la revue Chaud Froid Performance

 

 

REAGISSEZ A CET ARTICLE (Pour commenter, vous devez vous inscrire)