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Energie-climat : l’association Négawatt dénonce une « immense tromperie » du gouvernement

05 MARS 2020 - CFP

Arbitrages récents sur la future RE 2020, coefficient d’énergie primaire, seuils du DPE, refonte du label BBC rénovation… Alors que le Haut Conseil pour le Climat martèle à nouveau que la France « n’est pas du tout sur la bonne trajectoire » pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’association Négawatt a souhaité faire part de sa « perplexité » face à la politique actuelle du gouvernement en matière d’énergie et de climat. Un cumul vu comme une « marche arrière » par Olivier Sidler et Thierry Salomon, porte-paroles de l’association.

Négawatt

Les porte-paroles de l'association Négawatt, de gauche à droite : Yves Marignac, Stéphane Châtelain, Olivier Sidler, Thierry Salomon, Charline Dufournet.

À l’issue du décryptage de la politique gouvernementale qu’elle vient de réaliser, l’association Négawatt sonne l’alerte : « si l’on veut répondre aux enjeux environnementaux, économiques et sociaux de l’urgence écologique, la maîtrise des consommations doit rester la priorité de l’action ». Dans le bâtiment, l’association met en cause de profondes modifications des règles du jeu. On le sait depuis quelques semaines, le coefficient d’énergie primaire de l’électricité sera abaissé de 2,58 à 2,30, et l’impact climatique du chauffage électrique réduit de 180 à 79 g CO2/kWh. « Ces révisions d’apparence technique ne sont en rien mineures, commente Olivier Sidler. Elles apportent un avantage considérable au chauffage électrique par effet Joule (les fameux grille-pains) dans les bâtiments et autorisent une moindre isolation. » « Ce sont exactement les deux décisions qu’il fallait éviter », renchérit Thierry Salomon. A laquelle s’ajoute celle de passer l’étiquette énergie des bâtiments (DPE) en énergie finale, ce qui revient à ne pas prendre en compte les pertes de transformation associées à la production d’électricité dans les centrales thermiques, qu’elles soient fossiles ou nucléaires. En découle une revue à la baisse des exigences de cette étiquette pour les seuls logements chauffés à l’électricité, leur évitant ainsi des travaux de rénovation. « Ces modifications vont impacter considérablement le bâtiment en créant un statut à part, et très favorable au radiateur électrique au détriment des systèmes performants, souligne Olivier Sidler. Elles sont de surcroît contraires aux Directives européennes qui imposent aux États-membres de se baser sur la situation actuelle et non sur une anticipation hypothétique du futur, et d’exprimer l’étiquette énergie en énergie primaire. »

De l’étiquette D à B pour des logements chauffés à l’élec
En outre, cet avantage donné à l’électricité aura pour conséquence de « faire passer en B des logements aujourd'hui chauffés à l'électrique et classés D, ce qui constitue une immense tromperie vis-à-vis des consommateurs qui vont voir leurs factures de chauffage augmenter, l'électricité étant dans tous les cas nettement plus chère que, par exemple, le gaz ». Avec des répercussions également sur d’autres sources d’énergie, comme le chauffage au bois, qui risque d’être fortement pénalisé, comme le prévient Olivier Sidler : « le marché de la rénovation va se transformer, nous aurons quelque chose comme 80 % d'électrique peu performant : je ne vois pas un maître d'ouvrage ne pas choisir les radiateurs électriques avec une telle configuration réglementaire ».
En matière de rénovation des logements existants, Négawatt estime que le gouvernement « accumule les retards en maintenant une politique inefficace centrée sur l’incitation à la réalisation de gestes de travaux épars et étalés dans le temps, alors qu’il est prouvé dans ce domaine qu’il est nettement préférable sur un plan économique, performanciel et technique de procéder à des rénovations complètes et performantes ». Pour autant, le gouvernement envisage de revoir à la baisse les exigences du label Bâtiment Basse Consommation (BBC), ce qui est analysé par l’association comme « une manière d’afficher que l’Etat tient l’objectif fixé dans la Loi de Transition énergétique d’avoir rénové l’ensemble du parc bâti au niveau BBC en 2050 ». Le gouvernement va par ailleurs créer un nouvel outil de mesure : l’équivalent-rénovation. Traduction : cet outil permettra, par le calcul uniquement, d’agréger des petits gestes de rénovation, y compris peu performants. « Ainsi, ce dispositif permettra également qu’une rénovation réussie (passant par exemple de la classe G à la classe A) puisse compter pour trois « équivalent rénovation » ! Une telle manipulation comptable permet certes d’atteindre plus facilement l’objectif quantitatif de 500 000 “rénovations” par an mais conduit directement à l'impossibilité technique et économique de parvenir au niveau de performance globale du parc requis par la Stratégie nationale bas carbone », déplore Olivier Sidler.

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