Les nuages s’accumulent sur le marché de la rénovation, relativement épargné jusqu’à présent. Rencontré sur le salon Renodays, Stanislas Lacroix, président du syndicat Uniclima, qui représente les industriels du génie climatique, évoque un marché atone.
« La situation est inquiétante. Après le neuf, c’est à présent le marché de la rénovation qui se grippe ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les six premiers mois de l’année, les ventes de pompes à chaleur air/eau sont à -5 % alors que le marché caracolait à + 30 % en 2022 (lire l’interview de François Deroche, président de l’Afpac). Les ventes de chaudières de petite puissance sont en recul de 30 %. Celles de plus de 70 kW sont à – 50 %. Les radiateurs à eau chaude à – 20%. « Ces chiffres sont dramatiques parce qu’ils signifient que l’on ne rénove pas et que l’on maintient en vie des générateurs anciens », alerte Jean-Paul Ouin, délégué général d’Uniclima. En 2022, sur l’année entière, le marché avait perdu plus de 100 000 générateurs à eau chaude. Sur les six premiers mois de 2023, ce sont déjà 90 000 machines qui manquent à l’appel. Seules les PAC air/air progressent (+ 20 %). Selon Uniclima, le marché global est en recul de – 25 % sur le premier semestre. « On est en train de rentrer dans une sclérose de la rénovation. L’inflation a joué, de même que toutes les déclarations tapageuses sur le gaz qui ont créé un énorme trouble sur le marché et créé de l’attentisme. Sans parler de la F-Gas qui elle aussi trouble le jeu. Je ne sais pas comment fait un installateur aujourd’hui pour donner un conseil éclairé à son client ». Pour Stanislas Lacroix, rien n’indique que l’horizon va s’éclaircir. « L’orientation qui a été prise est de pousser vers de la rénovation globale. En soi, c’est positif, mais cela représente des enveloppes importantes que les ménages ne sont pas capables de payer ou de financer ». Les injonctions contradictoires n’arrangent en rien la situation : « On ne peut pas dire d’un côté que l’on va tout mettre sur la rénovation globale (le Gouvernement s’est fixé un objectif de financer 200 000 rénos globales en 2024 contre 60 000 en 2022 et vraisemblablement 90 000 cette année, ndlr) et en même temps déclarer qu’il faut installer un million de pompes à chaleur. Si on fait ce choix de privilégier les rénovations globales, on n’arrivera jamais au million de pompe à chaleur ! », déclare Jean-Paul Ouin.
Pour un parcours de rénovation par étapes
Inquiets des évolutions annoncées pour 2024, dans un contexte économique qui se tend, les filières professionnelles du génie climatique* ont décidé de parler d’une même voix. Sur le salon Renodays, elles ont fait front commun pour défendre l’idée d’une rénovation par étapes successives, planifiées dans le temps. « C’est un mode de fonctionnement qui ne s’oppose pas à la rénovation performante des bâtiments », défend Uniclima. « La filière professionnelle a maintes fois démontré qu’il est tout à fait possible d’avoir un objectif cohérent grâce à un parcours de rénovation par étapes successives visant le même objectif d’efficacité et de décarbonation global à terme. Cette approche pragmatique permet de réaliser immédiatement des économies d’énergie et de décarboner massivement, tout en allégeant la facture d’énergie des maîtres d’ouvrage et des utilisateurs ». Le parcours de rénovation par étapes, un vœu qui rejoint deux autres doléances de la filière : obtenir enfin de la simplicité et de la stabilité dans les dispositifs de soutien. Mais là, c’est une autre histoire…
*Afpac, AFCE, Association Française de la Ventilation, Energies et Avenir, Syndicat des chaudiéristes biomasse, Uniclima.
En photo de gauche à droite : Stanislas Lacroix et Jean-Paul Ouin, respectivement président et délégué général d'Uniclima
L'Installateur
