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Rénovation énergétique : le rapport Sichel remet sur le tapis l’obligation d’un accompagnateur

18 MARS 2021 - CFP

Confié à Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des Dépôts, un rapport sur la rénovation énergétique des logements privés a été remis au gouvernement mercredi 17 mars. Certaines propositions pour une réhabilitation énergétique « massive, simple et inclusive » vont dans le même sens que celles demandées par la Convention citoyenne pour le climat. D’autres, comme l’obligation d’assigner à chaque projet un « accompagnateur », risquent de faire grincer des dents les professionnels de la réno.

réno

Résultat d'une « task force » regroupant tous les acteurs concernés (dont les représentants des collectivités territoriales et des bailleurs sociaux), commandé par Bruno Le Maire et Emmanuelle Wargon en début d’année à Olivier Sichel, ce rapport avait pour objectif de repenser et de massifier l'offre de financement de la rénovation des passoires énergétiques, grâce à « des solutions complémentaires et nouvelles ». Le rapport mise sur trois principaux leviers d'action, assortis de propositions précises et concrètes : un « accompagnement généralisé et obligatoire » des ménages par un référent, un parcours simplifié (plateforme unique, dossier unique partagé, compte sécurisant les flux financiers, partage des données) et un financement permettant notamment de mieux toucher les ménages modestes (avances, meilleure prise en compte des revenus et du niveau d'ambition de la rénovation, éco-PTZ, prêt pour les exclus du crédit bancaire...).

Confiance des ménages vs adhésion des professionnels au dispositif
Le premier levier est présenté comme « un élément fondamental de la confiance des propriétaires pour accepter de lancer des travaux de rénovation performante globale ou par étapes, plus coûteux en moyenne, risqués en termes de gain énergétique réellement obtenus et complexes à financer et réaliser ». Si la confiance des ménages a certes pu être ébranlée par les agissements de certains éco-délinquants qui se sont engouffrés sur ce marché, cette mesure ne tardera sans doute pas à faire réagir les pro de la réno. En effet, on peut imaginer qu’il existe pour eux un risque de se sentir « surveillés » et leur travail jugé par des personnes dont on ignore encore les modalités de formation. Cet « accompagnateur Rénov’ » serait notamment chargé de proposer et de chiffrer les travaux adaptés au logement, à partir soit d'un audit indépendant soit d'un audit réalisé par ses soins. Ces accompagnateurs pourraient être publics – autour de l'actuel réseau Faire – ou privés mais agréés et contrôlés par l’Etat. Cet accompagnement serait donc obligatoire pour toute rénovation dépassant 5 000 euros) et conditionnerait l'accès aux aides publiques. C’était déjà le cas des professionnels RGE avec la mise en place de l’éco-conditionnalité des aides. En contrepartie de cette obligation, le rapport propose que l'Etat subventionne le coût de l'accompagnement, en favorisant les ménages très modestes, modestes et précaires. La dépense pour accompagner la rénovation globale des passoires énergétiques sur 15 ans a été chiffrée et estimée à 370 millions d'euros par an, avec une montée en charge progressive.

« Viser des rénovations atteignant le niveau BBC »
Pour l’association CLER-Réseau pour la transition énergétique, le rapport Sichel « montre que le gouvernement fait fausse route ». Cette dernière fait allusion à l’adoption très récente par la commission spéciale en charge du projet de loi Climat et Résilience à l’Assemblée nationale de l’amendement Nogal qui conditionne la définition d’une rénovation performante à deux critères cumulatifs – un niveau minimal de performance correspondant à une étiquette C, ainsi qu'un gain minimal d'au moins deux classes du DPE –. « A l’heure où la définition même d’une rénovation performante est tirée fortement vers le bas par le gouvernement, le rapport Sichel contredit cette définition en reprenant celle portée par le CLER-Réseau pour la transition énergétique, c’est-à-dire visant des rénovations atteignant le niveau BBC ou a minima la classe B du diagnostic de performance énergétique. » Pour Jean-Baptiste Lebrun, directeur du CLER – Réseau pour la transition énergétique : « La rénovation performante ne doit pas être réservée à quelques privilégiés. En instaurant une obligation de rénovation performante pour tous, y compris les ménages modestes, assortie d’un accompagnement financier et technique pertinent, le Gouvernement permettrait à l’ensemble des ménages d’accéder à un logement confortable et respectueux de l’environnement. Plus largement, il contribuerait ainsi à lutter contre la précarité énergétique par la diminution importante des factures ».

Retour de l'éco-PTZ et solution pour les exclus du prêt bancaire
Notons que dans le cadre du troisième levier du « financement convaincant, simplifié et inclusif » du rapport Sichel, quatre propositions sont consacrées à la fluidification des parcours et à l'élargissement des modalités de financement. Parmi elles, la prolongation, au-delà de l'échéance prévue de 2021, de l'expérimentation actuelle de délivrance des éco-PTZ par des sociétés de tiers financement, assortie d’une augmentation du montant de l'éco-PTZ – aujourd'hui plafonné à 30 000 euros – pour financer les rénovations globales des ménages très modestes, modestes et intermédiaires. En pratique, le rapport préconise, dans ces cas de figure, de faire passer le plafond de l'éco-P¨TZ à 50 000 euros.
Enfin, nouveauté proposée par le rapport Sichel : la mise en place d’une solution de financement pour les ménages n'ayant pas accès au crédit bancaire et pour qui il est difficile de financer le reste à charge, même réduit au minimum, baptisée « prêt avance mutation + ». Elle pourrait concerner les 5,2 millions de ménages exclus des prêts bancaires classiques (principalement des ménages dont le référent est âgé de plus de 65 ans), dont 20 % présentent de surcroît des difficultés financières. Le rapport souligne que « les 62 % de propriétaires de passoires thermiques qui ont plus de 60 ans représenteraient une cible pour ce dispositif ».

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