Début février, l’association négaWatt et le CLER-Réseau pour la transition énergétique avaient publié une étude sur les pompes à chaleur, en alertant toutefois sur les conditions d’installation de ces appareils. Le 30 mars, l’Afpac avait voulu mettre les choses au point en pointant du doigts certaines « incompréhensions ». Aujourd’hui, Olivier Sidler, auteur de l’étude publiée par négaWatt, ouvre la porte au dialogue. Voici sa réaction, en exclusivité pour Le Bâtiment Performant et la revue CFP.
L’étude récemment publiée par négaWatt sur les pompes à chaleur (lire ici https://lebatimentperformant.fr/actualites/la-pac-une-bonne-solution-pour-la-reno-oui-mais/1/4958) n’avait nullement pour objet de faire du tort à cette technologie, mais plutôt d’examiner l’incidence des différentes stratégies de son développement (lire ici https://lebatimentperformant.fr/actualites/performance-des-pac-l-afpac-repond-a-negawatt/1/5083).
La PAC est une machine exceptionnelle, seule capable, en relevant son niveau de température, de valoriser une énergie abondante mais inutilisable car « trop froide ». En transformant des kWh à 5 °C en kWh à 50 °C, la PAC apparaît comme un outil majeur de la transition énergétique.
En rénovation, elle se substituera au fioul et au gaz, en priorité dans les bâtiments construits avant 1975. Mais cela supposera de produire plus d’électricité en période de pointe, donc d’augmenter la capacité de production du parc électrique. Sujet sensible et coûteux s’il en est…
L’étude n’ignore évidemment pas l’existence de PAC à moyenne température. Grâce à une modélisation du parc bâti, l’utilisation des différents types de PAC a été simulée et leur impact sur la consommation et la pointe électrique déterminé. Ce qui nous a montré qu’utiliser des PAC classiques (c'est-à-dire ne dépassant pas 55 °C) ou des PAC MT avait des implications contrastées qui nous semblaient devoir être prises en compte dans l’élaboration de la stratégie nationale définie par les pouvoirs publics.
Rappelons d’abord les différences majeures entre PAC classique et moyenne température :
Il faut ensuite considérer le besoin en température des émetteurs en place, s’agissant, rappelons-le, essentiellement de bâtiments construits avant 1975. Dans ces constructions (qui représentent encore plus de 50 % du parc), on choisissait à l’époque des températures de départ (pour la température extérieure de base) de 90 °C afin de minimiser le coût des installations. Avec le réchauffement climatique, et parfois un peu de rénovation, le niveau de température nécessaire dans ces bâtiments a baissé. Mais au maximum de 10 ou 15 °C, si bien que le régime de température de base reste très supérieur à 55 °C.
Stratégiquement, on peut donc envisager le traitement des bâtiments d’avant 1975 de deux manières :
La comparaison des résultats de simulation appliquée aux logements de classes F et G chauffés au gaz et au fioul équipés de PAC air/eau montre que :
Enfin, il est intéressant de comparer, sur des échéances de 15 et de 30 ans, l’ensemble des coûts (rénovation, PAC, construction EPR) de 3 options rapportés à un logement de 90 m² : rénovation facteur 4 et maintien du gaz, absence de rénovation et PAC MT, rénovation et PAC classique :
Dans tous les cas, la solution sans rénovation et PAC MT est la plus coûteuse, alors que la solution associant une rénovation préalable et une PAC classique est toujours la moins chère.
De toutes ces considérations, la plus contraignante est le besoin de puissance en hiver qui a peu de chance de trouver solution d’ici 2035, et ceci est d’autant plus vrai que l’électrification de nombreux usages (comme les voitures) va déjà accroître fortement la demande. Afin d’enrichir le débat sur le sujet, nous proposons une solution qui pourrait malgré cela rendre possible le développement massif des PAC.
L’idée est d’équiper de ventilo-convecteurs et de PAC air/air (plus adaptées que les PAC air/eau dans ce cas) les logements disposant de chauffage à effet Joule, ce qui « libérera » les deux tiers de la puissance électrique actuellement nécessaire qu’on pourra investir dans la rénovation de logements alors équipés de PAC classiques. Si on vise un parc total de 10 M de PAC en 2035 (il en compte aujourd’hui près de 2,8 M), il faudrait une croissance de 3 %/an des ventes de PAC air/air pour les logements à effet Joule, et de 8 %/an des PAC classiques air/eau. En 2035 on aura ainsi traité 2,75 M de « logements Joule » et 4,4 M de logements chauffés au gaz et au fioul (majoritairement en classes E à G). Même si on ne rénovait pas les logements Joule, en les équipant de PAC MT on pourrait « récupérer » 4,7 GWe, alors que la rénovation BBC avec PAC classique des logements au gaz et au fioul n’absorberait que 1,6 GWe. Ce faisant il ne serait pas nécessaire de construire de nouveaux EPR, l’opération libérant même plus de 3 GWe. Au total, 7,2 M de PAC auront été mises en œuvre.
Nous sommes convaincus du rôle majeur que doit jouer la PAC dans la transition énergétique. Mais nous avons voulu démontrer que la manière d’utiliser cette machine dans la rénovation n’était neutre ni pour les particuliers ni pour les pouvoirs publiques.
Nous souhaitons qu’un dialogue constructif se mette en place sur ce sujet essentiel car aucun d’entre nous ne sait tout et que l’échange est la meilleure manière de faire émerger la solution optimale.
Olivier Sidler, consultant en énergétique