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L’assèchement de l’air dans les bâtiments performants

18 OCTOBRE 2016 - cfp

Quel rôle joue l’humidité de l’air dans les bâtiments performants, par construction très étanches et très isolés thermiquement ? Le risque existe d’un air trop sec qui génère de l’inconfort. Cette étude vise à caractériser le phénomène. Par Vincent Coste, responsable du pôle R&D et des études énergétiques du bureau d’études Amoes à Asnières-sur-Seine.

Quel rôle joue l’humidité de l’air dans les bâtiments performants, par construction très étanches et très isolés thermiquement ? Le risque existe d’un air trop sec qui génère de l’inconfort. Cette étude vise à caractériser le phénomène.

Le système respiratoire de l’Homme a besoin d’une certaine quantité de vapeur d’eau. Ainsi l’humidité d’un local est importante au même titre que la température. Un air trop sec peut avoir des conséquences sur la santé : assèchement des muqueuses qui ne peuvent plus arrêter les germes pathogènes, irritations oculaires, apparition de phénomènes électrostatiques désagréables [Déoux, 2004]. De plus, un air sec est source d’inconfort et peut faire l’objet de plaintes des usagers.
La sensibilité à l’humidité de l’air varie selon les individus. Il est courant de préconiser une humidité relative minimale de 30 % à l’intérieur d’un local. Or, dans les bâtiments à basse consommation d’énergie, où le renouvellement d’air est particulièrement contrôlé (étanchéité à l’air soignée, ventilation mécanique double flux), les mesures montrent des taux d’humidité intérieure en hiver fréquemment en deçà de 30 %. Ce paramètre est rarement traité lors de la phase de conception d’un bâtiment alors qu’il joue le même rôle que la température dans le confort de l’usager. Cette note a pour objectif d’étudier l’importance de ce phénomène. Dans un premier temps, le but est d’identifier les situations pour lesquelles le risque d’un air intérieur trop sec est important.
Dans un second temps, on veut montrer l’influence des systèmes climatiques sur ce sujet et ainsi préconiser quelques bonnes pratiques à mettre en place.

1. Méthodologie

Dans un premier temps, on souhaite visualiser l’influence de différents paramètres sur l’humidité intérieure de l’air. Pour cela, la simulation thermique dynamique est utilisée avec la modélisation d’un local de 60 m2 ayant une enveloppe passive sous TRNSys.

1.1. Choix des zones climatiques
L’objectif étant d’identifier les types de climat les plus à risques concernant l’assèchement de l’air, les données météorologiques de 5 villes représentatives de 5 climats français sont analysées. La figure 1 montre les effectifs cumulés des humidités absolues de l’air extérieur pour les cinq villes choisies.
L’humidité de l’air extérieur varie fortement en fonction du type de climat. Le climat le plus sec correspond au climat montagnard de Bourg-Saint-Maurice. Viennent ensuite le climat continental de Metz, le climat océanique dégradé de Paris, le climat méditerranéen de Marseille et le climat océanique de Bordeaux.

 

1.2. Choix des scénarios
Afin de montrer l’influence de l’usage d’un local, trois scénarios sont modélisés. Leurs caractéristiques sont résumées dans le tableau 1.
Les débits de renouvellement d’air sont ceux préconisés pour avoir une bonne qualité sanitaire de l’air intérieur. Ils sont supérieurs aux débits réglementaires.
La température de chauffage est dans un premier temps prise à 19 °C avec un ralenti de 2 °C la nuit pour les bureaux et le groupe scolaire.
Les seuls apports d’humidité modélisés sont les apports humains. Ainsi les apports de la cuisine et de la salle de bains ne sont pas pris en compte, hypothèse qui est défavorable pour cette étude, notamment dans le cas du logement.

 

2. Résultats
La température intérieure ainsi que l’humidité sont extraites des différentes simulations. Ces données permettent de calculer le nombre d’heure d’occupation pour lesquelles l’humidité relative est inférieure à 30 %. Les résultats obtenus sont résumés dans le tableau 2. Les situations à fort risque sont renseignées en gris foncé. Elles correspondent à des cas où l’humidité relative est inférieure à 30 % pour plus de 20 % du temps d’occupation. Les cas en gris correspondent à plus de 15 % et en gris clair à plus de 10 %. Dans ces cas, il convient de faire particulièrement attention au problème d’assèchement de l’air intérieur car il peut occasionner un inconfort important pour les occupants. Ces situations sont fréquentes et sont d’autant plus importantes que la zone climatique est sèche.
Les deux graphiques suivants correspondent aux effectifs cumulés de l’humidité relative et permettent de visualiser plus précisément la sensibilité à l’usage et au climat de l’assèchement de l’air intérieur.
Il est remarquable que la ville de Bourg-Saint-Maurice se détache des autres. En effet, l’altitude amplifie le phénomène d’air sec. Concernant les usages, le logement est plus enclin aux problèmes d’assèchement de l’air. Le groupe scolaire et les bureaux sont quant à eux similaires.


Un autre paramètre intervenant est la température de consigne de chauffage. Dans des bâtiments performants, il est préconisé que celle-ci soit de 19 °C, mais les usagers l’augmentent souvent à 20 ou 21 °C. L’influence de ce paramètre est modélisée pour la météo de la ville de Paris. Les résultats obtenus sont résumés dans la figure 4.


Une augmentation de 2 °C de la température de consigne augmente de 45 à 79 % le nombre d’heures où l’humidité relative de l’air intérieur est inférieure à 30 %. La température de chauffage a donc une grande influence sur le phénomène d’assèchement de l’air. Il est important dans des situations à risques de sensibiliser l’usager sur ce point. En effet, une température de chauffage de 19 °C réduit les risques d’assèchement de l’air intérieur et permet des consommations énergétiques plus faibles.

3. Le chauffage par air est-il vraiment problématique ?
Le chauffage par air est une solution souvent mise en place dans les bâtiments performants. L’idée de cette étude est de montrer son impact sur l’assèchement de l’air intérieur. Le chauffage par air modélisé permet de doubler le débit de ventilation si la température de consigne n’est pas atteinte.
Avec un chauffage par air, le nombre d’heures où l’humidité intérieure est inférieure à 30 % augmente de 60 %. Il est donc important de récupérer l’air extrait lorsqu’il convient d’augmenter le débit de ventilation pour chauffer le local (figure 5).


Au niveau de la bouche de soufflage, l’air est très sec : il peut atteindre une humidité relative inférieure à 10 %, occasionnant un inconfort local important. Il convient ainsi de prêter particulièrement attention à la qualité du soufflage par air.
Celui-ci doit être vertical afin de casser la stratification de l’air et avoir un taux d’induction important, permettant le bon mélange de l’air soufflé avec l’air du local.
En effet, plus le taux d’induction est important, plus le brassage entre l’air primaire et l’air secondaire est important.

4. Les échangeurs avec récupération d’humidité : une solution ?
Afin de limiter le problème d’assèchement de l’air, les fabricants ont mis au point des échangeurs qui récupèrent l’humidité de l’air extrait. Il en existe deux types :

- Échangeurs à roue hygroscopique
Ce récupérateur utilise l’inertie d’un matériau qui passe alternativement dans un air chaud et qui va ensuite réchauffer un air froid. D’autre part, il permet le transfert d’humidité ; la vapeur se condense sur le matériau pour se revaporiser au contact de l’air chaud.

- Échangeurs enthalpiques
La séparation des contre-courants de l’air extrait et de l’air extérieur est effectuée par une membrane polymère. L’humidité est diffusée sous forme de vapeur d’eau de la section à haute pression de vapeur à celle à basse pression de vapeur.
Les échanges ayant lieu dans des échangeurs à récupération d’humidité sont schématisés sur le diagramme de l’air humide (figure 6).


Ces échangeurs transmettent la totalité de l’eau condensée. Les deux airs évoluent sur le segment de droite reliant les deux points correspondant à l’air extrait et l’air neuf (Bouteloup, 2009).
De tels échangeurs possèdent un taux de récupération de chaleur de 80 % et de récupération d’humidité de 70 %. Les résultats obtenus par simulation sont comparés à ceux avec un échangeur non enthalpique (figure 7).


L’utilisation d’un échangeur récupérant l’humidité de l’air extrait permet de diminuer entre 50 et 77 % le nombre d’heures où l’humidité relative est inférieure à 30 %. La récupération d’humidité permet donc de réduire significativement le phénomène d’assèchement de l’air. Ce système, moins coûteux qu’un système d’humidification externe, est intéressant à mettre en place dans les situations à risque.

5. Conclusion
La présente étude confirme les risques d’assèchement de l’air révélés par des campagnes de mesures. Il existe de nombreuses situations où ce risque est important. Elles doivent être identifiées pendant la phase de conception d’un bâtiment.
Il convient de prendre des précautions avec le chauffage par air. Celui-ci peut induire une augmentation de l’assèchement de l’air et un inconfort local au niveau du soufflage.
Il est donc important de ne pas augmenter le renouvellement d’air, mais de procéder à un recyclage de l’air extrait et de mettre en place un soufflage de qualité.
Dans certains cas à fort risque, des mesures palliatives peuvent être prises dès le début de la conception du bâtiment, telles que la mise en place d’un échangeur à récupération d’humidité. Ce système peu énergivore permet de réduire fortement l’assèchement de l’air en humidifiant l’air sans apports d’eau externes.

 


 

 


 

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