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Bactéries : un risque qui n'est pas limité au réseau d'eau chaude

06 JUILLET 2016

En Saône-et-Loire, l’hôpital de La Clayette a fait le choix, pour son extension, de traiter non seulement le réseau d’eau chaude mais aussi le réseau d’eau froide contre le risque de développement de Legionella ou Pseudomonas. Explications.

En Saône-et-Loire, l’hôpital de La Clayette a fait le choix, pour son extension, de traiter non seulement le réseau d’eau chaude mais aussi le réseau d’eau froide contre le risque de développement de Legionella ou Pseudomonas. Explications.

Les bactéries ne sont pas susceptibles de se développer uniquement dans les réseaux d’eau chaude. Ce phénomène a été pris en compte pour l’extension de l’hôpital de La Clayette, en Saône-et-Loire. Celle-ci ajoute 96 chambres individuelles et 3 chambres doubles aux capacités d’accueil de l’établissement.
Conseillé par le bureau d’études Synapse, le choix a été fait d’un système à eau pasteurisée pour traiter au quotidien le risque, en préventif et curatif, sans traitement chimique. L’originalité, c’est que le système ne traite pas uniquement l’eau chaude sanitaire mais aussi l’eau froide.
Des bactéries sont effectivement présentes dans l’eau froide à l’état naturel ; c'est le cas notamment de Pseudomonas ou de Legionella. Elles peuvent s'y développer. Il est même fréquent que la température du réseau d’eau froide ou d’une partie de celui-ci s’élève de manière importante. La nuit notamment, lorsque les soutirages sont réduits, certaines parties du réseau d’eau froide peuvent atteindre des températures bien supérieures à 16 °C (développement des bactéries légionelles entre 16 et 45 °C) !
Ce phénomène est fréquent dans une installation, en chaufferie par exemple ou même dans les réseaux d'eau froide situés dans les plénums des plafonds techniques. Il est difficilement contrôlable.
C'est pourquoi l'hôpital de La Clayette a fait le choix du système de pasteurisation proposé par Charot.
Celui-ci détruit les bactéries dans le réseau, aussi bien pour l'eau chaude que pour l'eau froide. Pastorclean est un dispositif curatif et préventif, par traitement thermique simultané et continu, permettant de maîtriser et prévenir la présence de légionelles et autres organismes détruits à la température de 70 °C. À La Clayette, parmi quatre versions possibles, c’est une production semi-instantanée avec récupération d’énergie qui a été choisie. Deux chaudières à gaz Atlantic Guillot assurent l'apport d'énergie sur l'échangeur primaire de la production semi-instantanée. Un système solaire thermique Vaillant permet de bénéficier d'une énergie renouvelable en plus. Celui-ci réchauffe un ballon d'eau froide pasteurisée. Sa production est utilisée notamment pour mitiger le départ eau chaude à 55 °C dans le réseau.

 


 

Un système breveté par Caleffi

Ce système compact et préfabriqué est vendu et mis en service par Charot sur la base d’un brevet Caleffi (Carlier-Meskel).
L’installation a été mise en service en juillet 2015 et fonctionne depuis sans problème. Une deuxième tranche est prévue dans la partie en cours de rénovation. «L’intérêt de la configuration choisie», explique Guillaume Lussiez, chargé du marketing chez Charot, «c’est que l’on peut réinjecter toute récupération d’énergie dès le premier degré sans risque légionelle
Le principe est de produire et de maintenir une capacité d’eau pasteurisée à plus de 70 °C pendant au moins 3 à 5 minutes (ballon de pasteurisation ou ballon de chambrage). Une partie de cette eau est ensuite distribuée dans le réseau d’eau chaude bien sûr. Mais une autre partie est utilisée pour «produire» de l’eau froide ! Elle est refroidie par l’eau de ville, via un échangeur à plaques, pour être utilisée de deux manières : l’une pour mitiger l’ECS à 55 °C, l’autre pour alimenter le réseau d’eau froide, garantissant l’absence de bactérie. Ce faisant, l’eau de ville est préchauffée en récupérant l’énergie avant d’entrer dans le préparateur d’ECS pour être chauffée à 70 °C, puis dans le ballon pasteurisé où elle reste suffisamment longtemps pour garantir la destruction des bactéries. Le système gère également le traitement thermique de l’ensemble du réseau. Celui-ci est nécessaire une fois à la mise en service.
Ensuite, le risque est complètement maîtrisé dans tous les réseaux. Ce système nécessite peu d’entretien une fois installé et correctement mis au point. Un traitement thermique peut toujours être réalisé ensuite, après une maintenance qui a nécessité l'intervention sur les réseaux, ou en curatif le cas échéant. L’équipement comprend deux échangeurs à plaques, dont un largement dimensionné pour produire de l’eau froide à partir de l’eau chaude. Mais il fallait garantir son fonctionnement en toutes circonstances. «À chaque fois que l’on a un échangeur à plaques, il faut sécuriser le scénario de fonctionnement que l’on a pris en termes de débit», explique Roland Meskel. «D’où l’association systématique d’une vanne de limitation de débit autoflow dans ce système.» L’avantage de la vanne, c’est qu’il suffit de changer sa cartouche pour adapter son débit si celui calculé au moment de l’étude ne convenait pas en conditions réelles d’exploitation. De même, le système est équipé d’un mitigeur thermostatique pour assurer une distribution à 55 °C. Il est plus réactif qu’une simple vanne de régulation trois voies. Sa cartouche facilite la maintenance.

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Quels composants hydrauliques sur le réseau ?

Le réseau hydraulique d’eau sanitaire doit être conçu pour fonctionner avec ce système. Différents composants sont nécessaires pour garantir son fonctionnement. À commencer par l’équilibrage des antennes. En pratique, surtout dans un hôpital, de nombreux soutirages peuvent fonctionner simultanément (douches, toilette, etc.). Cela peut faire chuter la température dans une ou plusieurs boucles du réseau et créer des conditions favorables au développement de légionelle. D’où la nécessité d’un équilibrage dynamique. Le réseau sanitaire de l’extension de l’hôpital comprend 25 boucles qui sont équilibrées par des vannes autoflow. Celles-ci assurent un débit de 85 l/h dans chacune des boucles. Pour sécuriser le fonctionnement de l’installation de La Clayette, une sonde de température est installée sur chaque retour de chacune des boucles d’ECS. La régulation du système déclenche une alarme lumineuse quand la température de retour est trop basse pendant trop longtemps.
Ce dispositif permet aussi de garantir le confort des utilisateurs et la disponibilité rapide de l’eau chaude au point de soutirage.

 

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Inévitable biofilm...

Autre point important : le biofilm. On considère généralement qu’il faut maintenir une vitesse minimale de 0,2 m/s pour éviter la formation de biofilm dans les canalisations. «Mais c’est faux», explique Roland Meskel. «En réalité, on sait qu’en hydraulique la vitesse du fluide aux parois de la canalisation est nulle*. Par conséquent, quelle que soit la vitesse du fluide dans le réseau, un biofilm a tendance à se créer.» Et pour le spécialiste, le traitement chimique n’est pas capable d’aller détruire les bactéries qui se nichent dans le biofilm, près des parois. En revanche, «le choc thermique bien mené reste à mon avis le plus efficace.» D’où le choix de la solution.
Autres composants indispensables : des purgeurs et des séparateurs d’air avec attestation de conformité sanitaire (ACS) sur tous les points hauts des différentes parties du circuit hydraulique d’eau sanitaire. En effet, la Légionelle étant une bactérie aérobie, il est également important de supprimer l’air qui peut être présent dans les circuits.

 


 

Un mitigeur bipassable sur chaque boucle

Ensuite, à l’entrée de chacune des boucles, un groupe compact multifonction Legioflow de Caleffi joue un double rôle.
En fonctionnement normal, c’est un mitigeur thermostatique qui limite la température à 50 °C dans la branche (il assure alors l’exigence de l’arrêté du 30 novembre 2005). Mais lors des traitements thermiques curatifs ou préventifs, le mitigeur est bipassé. La procédure est alors d’ouvrir tous les points de puisage en même temps pour faire couler de l’eau à 70 °C pendant une durée suffisamment longue pour détruire les bactéries.
Pour éviter l’écroulement de la puissance thermique pendant cette phase, l’installation doit comporter des limiteurs de débits sur chaque point de puisage. Ils agissent à partir de 48 °C et réduisent progressivement les débits jusqu’à seulement 5 % du débit initial.
Ces cartouches anti-brûlures à limitation de débit sont installées sur chaque point de puisage, assurant également la sécurité des utilisateurs lors des traitements thermiques. Cette procédure a été validée à l’hôpital de Bassens (Savoie) depuis 2010. Enfin, un bipasse sur chaque point de puisage est prévu afin de pouvoir périodiquement démonter et désinfecter les robinets.

 

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Gestion automatique par la régulation

Le système est équipé de sa propre régulation, consultable à distance avec trois niveaux d’accès : consultation, accès points et consignes, accès total.
Elle intègre l’obligation de suivi sanitaire, même si le maître d’ouvrage continue à faire des relevés manuels.
Ce système évite le recours à un traitement thermique de l’ensemble de l’installation en maintenance courante. Pour le fabricant, il pourrait également inspirer la réalisation de systèmes solaires thermiques dans lesquels les bouclages ont tendance à limiter la performance.
Cette solution ouvrirait des possibilités nouvelles qu’il reste à imaginer...

 


 

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Une commercialisation reprise par Charot

Le Pastorclean repose sur un brevet Caleffi déposé par Roland Meskel et Jérôme Carlier.
L’idée a germé au sein d’une équipe de recherche du Centre national de référence des légionelles (CNRL), l’Inserm, les Hospices Civils de Lyon Hospice et la faculté Claude Bernard. Un prototype a été mis au point pendant deux ans à l’hôpital de Bassens (Savoie). Les premières communications ont eu lieu en 2009, précédant les dépôts de brevets. Le système a d’abord été commercialisé par Ciat sous
le nom de Waterclean. Il s’en est alors peu installé, l’un à l’hôpital Hémato Lyon Sud et l’autre à Mens (Isère). Depuis fin 2014, c’est Charot qui a repris la fabrication et la commercialisation. Le système est au catalogue du fabricant depuis 2015. Deux ont déjà été installés depuis, dont l’un à La Clayette, et l’autre dans un Ehpad à Romenay (Saône-et-Loire). D’autres projets seraient en cours. Le Pastorclean repose sur l’idée que le traitement chimique des réseaux trouve ses limites dans le développement de résistances de la part des bactéries. À condition de le faire complètement, le traitement thermique serait la meilleure garantie d’élimination des bactéries.

 


 

Une première pour l'entreprise de plomberie

L’installation du lot plomberie a été réalisée par l’entreprise Thermi Service de Roanne (Loire), le chantier étant géré par son chargé d’affaires Frédéric Gras. Pour l’entreprise, c’était une première. Mais l’installation du système en chaufferie n’a pas posé de difficulté particulière. Et l’équilibrage des 25 boucles a été réalisé «avec moins de 0,5 K d’écart entre chacune d'entre elles
Thermi Service est une entreprise de génie climatique dirigée par Christian Roche. Elle compte deux agences, l’une à Roanne, l’autre à Feurs (Loire). L’entreprise compte une quarantaine de salariés et dispose d’un bureau d’études intégré. Elle a plusieurs cordes à son arc puisqu’elle assure aussi bien l’installation que la maintenance et le dépannage. Elle est aussi multi-activités et multi-énergies, aussi bien sur le chauffage, la plomberie, la climatisation, la ventilation et les énergies renouvelables comme les pompes à chaleur, la géothermie, le solaire thermique ou la biomasse, sans oublier les énergies fossiles comme le gaz ou le fioul.

 


 

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